Réflexion sur l’approche du Bilan de Compétences.

Lors d’une réunion d’échanges de pratique, il m’a été donné l’occasion de présenter les points qui me paraissent essentiels dans ma vision du Bilan de Compétence.

  1. Je me refuse à tout conseil et jugement lors de l’élaboration des projets professionnels, de vie ou voire d’un plus juste milieu entre vie professionnelle et la vie privée.
  2. J’accepte que le participant travaille plusieurs projets en parallèle sans avoir à choisir. L’idée est que tant que l’on parle de choix l’on n’a pas suffisamment hiérarchisé et que la réflexion n’est pas mûre. J’assume le fait de ne jamais rendre urgent la définition d’un projet, même au dernier rendez-vous. J’insiste lors de la présentation du Bilan sur le fait que probablement au 3e entretien le participant ma dira « je suis encore plus perdu qu’au début ».
  3. J’apporte l’assurance que le bilan aboutira et indique souvent au participant que si il ne voit pas d’avancée, moi j’en vois. A ce moment le niveau de confiance établi entre nous permet la sérénité de la suite du travail.
  4. Je me situe et tente de me tenir dans la posture d’un médiateur qui offre un « espace / temps » de réflexion, de travail et ce dans un climat de respect total du participant, l’acceptant tel qu’il se présente avec ses singularités, son parcours personnel et professionnel.

Pourquoi « Espace / temps » ? « Espace » car les entretiens se déroulent en lieu neutre que je veux de qualité, où l’on peut échanger en toute confidentialité et « temps » car un bilan se déroule en général sur 2 à 3 mois, mais peut être plus long en fonction des situations. Le temps permet au participant de « malaxer » les questions, les informations, de recueillir des informations sur les projets, de rencontrer des professionnels…. Pour quelqu’un en activité professionnelle un espace de 2 semaine est nécessaire pour ce travail. CE temps permet aussi d’inscrire le projet dans son environnement personnel, privé, familial. Je travaille avec une personne, mais les options qu’elle retiendra devront s’intégrer à son environnement.

Qu’est-ce qu’un projet réaliste ?

Le projet ou les projets que le participant retiendra dépendront du rapport qu’il déterminera entre l’attrait pour le métier / poste / emploi et les investissements qu’il devra réaliser, mettre en place, pour l’atteinte de ce projet. Ces deux aspects sont totalement subjectifs, personnels et il me parait irraisonnable de donner un avis à ce sujet. Mon travail d’accompagnateur est d’amener le participant à déterminer de la manière la plus précise ces deux aspects mis en balance pour que le projet soit réaliste. Il n’est intéressant qu’il soit réaliste pour le consultant, il doit l’être pour le participant. Ce n’est pas le consultant qui effectuera le chemin, c’est bien le participant.

En effet, le ou les projets que le participant retient intègrent évidemment les étapes de réalisation qui peuvent être multiples :

  1. Le repérage des compétences manquantes qui conduira aux parcours de formation correspondant si besoin. La recherche des organismes, des programmes, des modalités font partie du travail de bilan.
  2. Les éléments de recherche d’emploi futur (construction du CV et/ou du CV après formation si tel est le cas à Année+1 ou +2,
  3. La préparation à l’entretien d’embauche, réflexion sur les stratégies de relance le cas échéant).
  4. Le cas échéant un organigramme, formalisé par le participant, qui présente sur une durée de plusieurs années les itinéraires bis ou ter suivant la réalisation ou non, la réussite ou non à des étapes prévues.
  5. Le bilan peut conduire à un VAE et dans ce cas la recherche des référentiels correspondant au parcours du participant s’intègre dans le travail d’orientation mené lors du bilan,

VAE et Bilan de Compétences :

Plusieurs participant ont entamé leur VAE avant la fin du Bilan. En effet si la démarche VAE implique l’explicitation de son expérience, les situations sur lesquelles elle se situera repose sur le repérage des situations qui peuvent exprimer le plus haut niveau de compétences de la personne sur les éléments du référentiel. Ce repérage correspond typiquement à un inventaire, un bilan des compétences liés au projet. Une situation clairement exprimée permettra plus concrètement à un interlocuteur (recruteur par exemple) de déterminer le niveau de compétences atteint. Cela va sans dire nous travaillons déjà et également sur le CV et le projet.

Viser un métier ou emploi de manière concrète :

Le CV reprendra la légitimité que le participant a déterminé pour les options qu’il aura retenu (un CV par projet, les légitimités sont nécessairement différentes). Plus la transition professionnelle est importante et moins le CV traditionnel s’avère cohérent. L’interlocuteur doit comprendre en 20 secondes ce que le participant a mis trois mois à élaborer.

A ce propos, concernant CV et Lettre de Candidature mon leitmotiv est de 20 heures de travail pour l’un et 20 heures pour l’autre. Ces 20 heures sont assises sur un temps de réflexion long, correspondant à celui du Bilan, en l’occurrence.

Il arrive, finalement assez fréquemment pour que cela ne soit pas anecdotique, que le participant réponde à une offre d’emploi durant le bilan. Offre à laquelle la plupart du temps il n’aurait pas répondu ou pour laquelle il ne se serait pas senti légitime avant le bilan. L’objectif du bilan étant la définition d’un projet professionnel, il me parait évident de recentrer, dans ce cas, le bilan ou une partie du bilan sur de telles opportunités. Le travail déjà effectué permet de déterminer les attraits, les compétences, les projets, les singularités que la participant apportera mais aussi les valeurs auxquelles il tient. Le travail que se continue permet de ciseler une réponse pertinente, de construire une stratégie pour ce court terme.

Ma vision de la Lettre de Candidature correspond à la partie « dynamique personnelle » de la synthèse. Expliciter quelle collaboratrice ou collaborateur je suis, exprimer mes attentes et à déterminer ce que j’appelle mes refus incontournables, mes limites d’investissement dans le cadre de l’emploi.

Je m’appuie depuis de longues années sur ces trois éclairages de lecture.

  1. Combien de lignes suis-je la seule ou le seul à pouvoir écrire (dans cette lettre) divisé par le nombre de lignes de ladite lettre. (la réponse se situe fréquemment entre 0 à 5 sur 20, ce qui fait peu pour donner une première impression constructive).
  2. Qu’avez-vous osé ? Si rien n’est osé, cela veut dire que nous formulons du « bla-bla » du type « je m’investis totalement dans les tâches qui me sont proposées », « je suis sérieux ou sérieux » etc. quand ce n’est pas simplement la reprise du CV.

Dire et écrire « pour moi m’investir c’est ……….. » / « pour moi manager c’est ……… » consiste à prendre le risque de déplaire mais aussi, puisque c’est risqué, d’être cru et d’exprimer sa singularité, sa vision, sa façon de faire… (si vous ne correspondez pas, vous n’aurez pas d’entretien, mais si vous correspondez vous aurez un longueur d’avance sur les autres candidats).

  1. Dans le contexte travail, ma lettre de candidature me représente à quel % ? si vous êtes à moins de 50%, vous avez encore du travail, mais comme vous avez pensé que 50% manquaient c’est que vous avez des idées sur ceux-ci. Certains m’ont dit, « je ne vais pas me dévoiler à 100% sur la lettre de candidature », ce à quoi je réponds : « si c’est le cas vous montrerez une capacité de synthèse hors du commun » et j’ai toujours amené les candidats qui se situaient à ce niveau à dépasser ensuite les 100% en continuant à travailler leurs singularités.

Un tel travail de la Lettre de Candidature permet d’amener le recruteur sur son propre terrain (celui du candidat) et donc de structurer une partie de l’entretien pour s’y exprimer pleinement. Pourquoi poserait-on des questions rabâchées quand l’on a en face de soi quelqu’un qui apporte matière à échanger. Cela permet de parler travail directement lors de l’entretien. La question « parlez-moi de vous » devient décalée puisque justement vous parlez de vous et de la manière la plus réfléchie et anticipée possible.

Le projet irréaliste !

Le consultant en bilan de compétences se doit-il de ne pas valider un projet infaisable ?

Regardons handisport, un concentré de sportifs qui construisent des projets « statistiquement » irréalistes et pourtant ils existent. Je pense souvent au coach qui a dit à Philippe Croizon, « vous voulez traverser la Manche à la nage, bras et jambes mutilés, vous n’êtes pas un nageur hors pair », et après je suppose de longs échanges sur les enjeux, les investissements à consacrer, le temps à prévoir, a répondu « je suis partant ou partante ». Quel était la probabilité de réussite ?

Qu’est-ce qu’un projet infaisable ? Le bilan de compétences n’est-il pas le bon moyen d’en tester la teneur par le questionnement, la mise en responsabilité du participant dans la construction de son propre avenir professionnel ?

N’est pas de la compétence du consultant d’amener le participant à prévoir des itinéraires bis, des roues de secours. Le fait d’avoir prévu une roue de secours ne signifie que l’on prévoit une crevaison, on en anticipe simplement l’hypothèse.

Un exemple me revient à ce sujet d’un projet singulier. Ce n’était pas lors d’un bilan de compétences mais d’un accompagnement Pôle Emploi. Une participante m’est adressée par conseiller Pôle Emploi qui me prévient que cette personne s’obstine sur un projet irréaliste. Il m’indique aussi qu’elle a déjà rencontré trois consultants en orientation / définition de projet professionnel et qu’elle ne démord pas de son idée : vendre des œufs et en vivre, ce qu’elle faisait déjà mais de manière non professionnelle. Le challenge me paraissait assez haut, inutile probablement de faire comme mes collègues et de juger la faisabilité du projet. J’ai pratiqué un peu différemment, lors du premier entretien la participante m’a expliqué son projet. J’ai gardé ma posture de non jugement et ai tenté de construire le projet avec elle par un questionnement des plus simples.

  • Combien voulez-vous gagner ?
  • A quel prix est vendu un œuf ?
  • Donc combien d’œufs sont nécessaires par mois ?
  • Donc combien de poules ?
  • Donc quel espace serait nécessaire …….. ?
  • De quelle superficie disposez-vous ?

J’ai demandé à cette personne si elle pensait pouvoir chercher les réponses seules. Suite à sa réponse positive nous nous sommes donnés rendez-vous la semaine suivante.

La semaine suivante, sans que je commence à la questionner, cette personne m’a dit : « j’ai fait le calcul il me faudrait 10 fois la superficie de mon jardin, je n’ai pas les moyens d’avoir un espace plus grand. Je vais continuer à vendre (ou donner) mes œufs comme maintenant et chercher un travail.

Nous avons pu, dès lors, travailler sur d’autres projets professionnels.

 

Merci aux collègues du Cercle National du Coaching qui m’ont amené à formaliser ces lignes suite à une session d’échange de pratiques.