Réflexion PRO MTP  En tant que formateur consultant, j’accompagne régulièrement des candidats à la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience). Bien que les retours d’expériences sur chaque étape soient particuliers à chaque candidat, certaines tendances  plus généralisées émergent et m’interpellent quant à leur logique…  C’est notamment le cas du positionnement du jury de VAE lors de l’oral. L’article ci-dessous élabore plus en détail cet exemple et les questions qui en découlent.

Rappel sur la  charte des membres des jurys de VAE

 Selon la charte déontologie définie par le comité interministériel ,

« vous veillez à fonder votre évaluation sur l’expérience du candidat dans sa globalité et adoptez une attitude neutre et bienveillante.

Vous respectez le principe selon lequel un candidat puisse obtenir une certification quelle que soit la singularité de son parcours et la nature de ses activités salariées, non salariées ou bénévoles.

Les modalités de l’accompagnement, ou l’absence d’accompagnement, n’entrent pas en compte dans l’évaluation. …. »

Jury de VAE : théorie face à la réalité du terrain

Or, une grande majorité des candidats affrontent  une réalité toute autre face à leur jury de VAE.  A titre d’exemple, il est fréquemment demandé au candidat les raisons qui le ou la motive à entreprendre cette démarche. Cette question de la motivation est même  fréquemment posée dès le Livret 2 (étape précédant le jury). Il paraitrait même que, dans certains cas, l’énoncé de certaines raisons peut interférer dans la décision d’évaluation. Or, l’esprit de la VAE est d’évaluer les compétences et ne pas porter de jugement sur les raisons qui motivent la personne, si ce n’est UNIQUEMENT dans un esprit de bienveillance.

Personnellement, je ne comprends toujours pas la logique de cette question.

Qu’ un sportif de saut à la perche doive sauter 4m, 5m, 6 m … , les critères d’évaluations sont fixés sur le fait que l’objectif sportif soit atteint ou pas, non sur les motivations du sportif à effectuer cette performance.

Comme le stipule la charte des membres du jury, Il devrait en être de même pour les critères d’évaluations des candidats à la VAE.

Quel intérêt représente le fait de questionner les candidats sur les raisons de la mise en oeuvre de la démarche de VAE ? Quel intérêt représente la réponse du candidat vis-à-vis d’un devoir d’évaluation objective ?

Qu’un organisme de formation fasse une telle demande lors de l’intégration sur une prestation parait tout à fait logique, mais pas au terme de la formation, pour l’évaluation du jury, à quoi cela peut-il OBJECTIVEMENT servir  ?

Autres désagréments et questions non objectives rencontrées par les candidats à la VAE

Il est souvent demandé aux candidats :

  • s’ils ont été accompagnés pour leur VAE ?
  • par qui s’est fait l’accompagnement ?

Il est même arrivé que certains membres du jury portent des jugements sur le coût de l’accompagnement ainsi que sur l’accompagnateur.

De manière plus générale, pour quelle raison certains candidats se sentent-ils attaqués, mis en situation de fort désagrément, voire parfois frustrés de ne pouvoir simplement présenter leur travail ? 

Analyse de la posture des membres du jury d’oral de VAE

Les membres du jury, personnes enseignants ou professionnels en situation d’examinateur, comme la quasi-totalité d’entre nous, ont été formatés à évaluer des connaissances et non des compétences.

Dans le cadre de la VAE la posture demandée n’est pas celle-là et nécessite un changement de « logiciel » qui ne peut se faire qu’avec le temps.

Un changement de comportement ne s’effectue pas seulement en quelques jours de formation auxquels participent (je l’espère) chaque membre du jury.  Il convient :

  • de comprendre au minimum le contenu de ces formations indiquant le changement de mission des membres du jury;
  • de s’approprier ces concepts nouveaux pour les mettre en oeuvre.

A titre d’exemple personnel et lointain, dès la mise en place de la VAP en 1985 (Validation des Acquis Professionnels, ayant préfiguré la VAE), bien qu’ayant adhéré à ce mode de qualification, j’ai tout de même mis plusieurs mois, en tant qu’ex-enseignant,  à changer ma façon de considérer. Et ceci  malgré une « approche compétences » menée depuis plusieurs années dans le cadre de reconversions professionnelles.

Un changement de posture s’impose de la part de l’évaluateur d’une VAE

Accepter que quelqu’un puisse réussir une tâche, et la réitérer de manière fiable, avec ses propres repères qui peuvent parfois aller jusqu’à nier les principes théoriques enseignés traditionnellement, n’est pas évident. Ce constat requiert une remise en question de la part de l’évaluateur.

L’enseignant ou professionnel évaluateur doit admettre que le candidat puisse avoir construit ses propres méthodes, qu’elles peuvent être fiables et donc qu’il ne prodigue pas nécessairement la seule « vraie » parole.

 

Rôle du jury VAE : vérifier  que les résultats des actions décrites soient conformes à ce que la procédure théorique est censé amenée à faire.

Comme dans les séances de formation « pour apprendre à apprendre » ou de médiation et développement cognitif, le rôle n’est pas de vérifier si le candidat  fait comme on aimerait qu’il fasse (procédure académique, théorique) mais s’assurer que les résultats sont conformes à ce que la procédure théorique est censé amenée à faire.

Quelle est la durée actuelle de formation des membres du jury pour conduire à un tel changement de posture ?

Impact social possible de l’oral de VAE

Le candidat à la VAE qui passe à l’oral remet en question plusieurs années de pratique.

Le travail mené dans l’élaboration du livret 2 a été un travail d’analyse de son propre parcours qu’il a théorisé, dont il a rendu ses savoir faire transférables. Le candidat attend donc le respect et la considération due tant à son expérience qu’à la démarche qu’il a effectué (ce qui est en général le cas).

Ce n’est certes pas pour autant qu’il faille valider ce qui n’est pas validable mais tout refus remet l’individu concerné en question dans la globalité de son parcours. Pour le candidat, cela sera une réalité subjective,  d’autant plus forte dans les cas où aucune UC (Unités Constitutives qui correspondent à des Unité de Valeurs) professionnelle n’est validée. J’ai pu constater des candidats refusés en totalité lors de la première présentation et acceptés en totalité lors d’un second passage appuyé par le même livret 2 !

N’hésitez pas à me faire part de vos remarques et expériences à ce sujet.

Jean-Louis VINCENT