Le Bilan de Compétences s’intègre-t-il aux démarches dites « pour apprendre à apprendre » ?

Un rappel de ce considère le GEPALM (Groupe Etude des Psychopathologie des Apprentissages Logico Mathématiques) comme les 3 éléments de la structuration du raisonnement :

–         le conflit cognitif

–         l’investigation systématique

–         l’énigme

Il est à noter que ces trois points ne sont pas indépendants des contextes émotionnels dans lesquels ils seront mis au travail.

A ce titre diverses démarches dites « pour apprendre à apprendre » se réfèrent à ces trois moyens sur au moins l’un d’entre eux voire pour  les trois. Elles prennent en compte le fonctionnement intellectuel dans ses dimensions cognitives, affectives, émotionnelles et sociales

La mise en œuvre des démarches pour apprendre à apprendre impose une posture particulière de l’animateur/formateur. Il est en effet « payé » justement  pour ne pas avoir de solution mais pour amener les participants à formaliser, étayer, rationaliser les leurs et en permettre une communication audible aux autres participants. Il est alors parlé de « médiation cognitive et socio-cognitive ».

Concernant les bilans de compétences deux méthodologies existent. L’une repose l’expertise du conseiller qui doit trouver la ou les solutions et les restituer aux participants (d’où la phase de restitution indiquée dans le code du travail) l’autre s’appuie sur un travail de médiation qui repose sur une posture totalement différente du consultant qui n’est plus conseiller (*1). Son rôle est d’offrir un espace et un cadre de réflexion qui doit amener le participant à élaborer ses projets. Ces projets ne deviennent validés qu’après l’explicitation des stratégies et des logiques de mise en place. Cette posture prend d’une part en compte les singularités du participant, en respecte la globalité du parcours et admet que les conclusions puissent émaner d’éléments que le sujet connaît intuitivement et qu’il n’aura pas pu nécessairement expliciter comme déclencheur de chemin d’exploration auprès du consultant. C’est aspect reste primordial puisqu’il indique la capacité du participant à proposer des solutions dont lui seul peut convenir. La validation de ces projets se concrétisera par l’explicitation des modes de mise en action et la mise en perspective des différents éléments (attraits, compétences, connaissances, différents savoirs etc…) vers l’objectif retenu.

L’étude d’un projet consiste à mettre en balance l’attrait pour celui-ci en face des investissements nécessaires à sa réalisation. A ce titre le participant va confronter divers éléments et sera donc conduit à résoudre une succession des conflits cognitifs et émotionnels. Quelle démarche peut amener un participant à garder ou abandonner un projet sinon l’étude la plus objective possible de contingences dont certaines lui sont subjectives et liées à sa situation propre (caractère, situation privée …..). L’appropriation des projets et la fiabilité de leur plan de mise en œuvre repose essentiellement sur le fait que l’acteur construit son scenario.

La posture du consultant ne se situe pas dans le jugement, il ne travaille pas dans la notion de « bien » ou « mal » de « il faut » ou « il ne faut pas » mais suggère des investigations systématiques dès qu’une idée émerge. Aider à ces investigations pour permettre au participant de trouver ses solutions propres. Le consultant est là pour faciliter l’étude du terrain, le repérage des possibilités, de leur difficultés respectives propres en utilisant le questionnement sans donner de réponse privilégiée. En fonction de ces diverses investigations le participant sera probablement amené à résoudre de nouveau conflits cognitifs (exploration, cristallisation, choix, action cf. ADVP)

La demande fréquente «je veux changer mais je ne sais pas quoi faire » se présente comme une énigme posée par le participant. Enfin l’énigme que représente un problème ouvert devant lequel la démarche de créativité doit se mettre en œuvre. La posture de médiation permet la créativité, l’élaboration de solution qui n’était pas concevable en début de travail. Cette créativité ne peut reposer que sur la reconnaissance de la singularité de chaque sujet qui fondera les solutions retenues sur la prise en compte de la globalité de son parcours, de son être et de son environnement. Ceci présuppose que le consultant n’ait aucun a priori sur les conclusions possibles qui scléroserait l’imagination. La méthodologie du bilan utilise le questionnement, des outils d’aide à l’orientation, par exemple, utilisés non pas comme outils de résultat mais comme outils de médiation en terme d’ouverture des possibles à créer ou des impossibles à formaliser. La présentation de métiers correspondant statistiquement avec les desiderata du participant (exemple avec Pass’Avenir) mais qui ne correspondant pas à ceux attendus  par le participant représente fréquemment un conflit cognitif auquel le participant devra se confronter. D’autre part l’étude de proche en proche des métiers en relation correspond à une investigation systématique.

Permettre au participant de s’interpeller lui-même, en dehors de tout jugement et manipulation volontaire ou involontaire induite pas des a priori extérieurs (consultant, formateur) représente un positionnement fondateur des méthodes pour apprendre à apprendre. Considérer les propositions invalidées, non pas comme des erreurs mais comme des essais structurants  représente une posture commune à « apprendre à apprendre » et à une médiation singulière relative à l’élaboration d’un projet professionnel.

Le bilan est une démarche structurante et formative dans le sens où le sujet s’approprie des connaissances (de soi-même, recueil d’informations), de logique (organisation, mise en perspective de divers éléments convergeant vers un projet précis), élaboration de stratégie (anticipation, hiérarchisation, formalisation des enchaînements), communication, prise en compte de l’environnement. Ces différents points forment l’essence même des démarches « pour apprendre à apprendre » par la stimulation intellectuelle dans ses dimensions cognitives, affectives, émotionnelles et sociales.

Il est bon, ma semble-t-il de rappeler par ailleurs que les démarches dites « pour apprendre à apprendre » comme les bilans de compétences s’adressent à tout public, quel que soit le niveau de culture et scolaire puisqu’elles peuvent concerner des personnes analphabètes comme des ingénieurs.

Si le bilan de compétences s’intègre aux démarches « pour apprendre à apprendre », il s’intègre de fait dans le Socle Commun des Connaissances et Compétences et par voie de conséquence dans le Compte Personnel de Formation.

*1 – selon les analyses d’André Chauvet d’un côté se rencontrent plutôt une visée interprétative, plutôt tournée vers le sujet et son histoire. De l’autre, apparaît une visée plus stratégique et délibérative, plus orientée vers la confrontation avec des environnements mouvants, et vers la possibilité pour la personne de faire face à des situations « chaotiques ». (cf. http://lc.cx/sQQ )